Lipoedème : symptômes, l'opération est-elle efficace ?
A cause d'une mauvaise répartition des graisses, les femmes qui souffrent de lipoedème voient leur jambe se déformer avec les années.
Qu'est-ce que le lipoedème ? Une maladie ?
"Le lipœdème est un syndrome, non une maladie" explique le Dr Jean-Paul Belgrado de l'Unité de recherche en lymphologie de Bruxelles. Il se caractérise par plusieurs signes cliniques comme une répartition non harmonieuse des graisses, une fragilité des vaisseaux capillaires de la peau entraînant facilement des petits hématomes quand la personne se cogne, une souplesse particulière des articulations du genou et des chevilles ou des coudes, et une insuffisance veineuse superficielle avec facilement des varices et des vergetures notamment proche des articulations. A distinguer de l'obésité. Chez les personnes obèses, la répartition de la graisse touche l'ensemble du corps. "Dans le cas du lipœdème, au début de l'histoire de la patiente, les amas de graisse se focalisent symétriquement au niveau des hanches, de la face interne des cuisses et des fesses" constate le Dr Jean-Paul Belgrado, chercheur et lymphologue. De plus la graisse du lipœdème est décompactée à l'inverse de l'obésité où elle est compactée.
Quels sont les symptômes du lipoedème ?
"Les femmes qui en souffrent voient leur jambe se déformer avec les années. Cela commence par les hanches" explique le chercheur.
► A l'adolescence, "les hanches et ensuite les cuisses sont progressivement le siège de dépôts de graisses relativement supérieurs à la moyenne des filles du même âge. Ces femmes ont un tronc qui reste svelte et une poitrine relativement peu développée".
► Vers 18 ans, les dépôts de graisses envahissent la racine de la cuisse qui prend du volume.
► A 30 ans, ces dépôts descendent vers les genoux et la jambe. L'aspect matelassé de la peau des cuisses est caractéristique. Les chevilles et les poignets restent fins. Les pieds ne sont pas très grands par rapport à la moyenne.
► De 30 à 40 ans, la graisse progresse des cuisses vers les jambes laissant toujours les chevilles assez fines et les pieds intacts. La face postérieure des bras commence à se voir envahir par l'amas de graisse.
► Entre 40 et 50 ans : des signes de lymphoedème apparaissent (gonflement provoqué par le ralentissement ou le blocage de la circulation de la lymphe).
D'autres signes émergent : une petite alopécie et de légers troubles de la thyroïde.
Quels sont les examens pour diagnostiquer un lipoedème ?
"L'examen clinique à la recherche de signes caractéristiques est la règle de première ligne, indique le Dr Belgrado. Plus la personne en accumule, plus on a d'éléments pour penser à un lipœdème." Il n'existe sinon aucun examen ou test permettant de confirmer avec certitude un lipœdème. De plus "si la personne est en surpoids, il est parfois difficile de faire la distinction entre une obésité ou un lipœdème masqué par l'obésité ", précise le chercheur.
Les caractéristiques : des femmes qui n'arrivent pas à perdre de la graisse au niveau spécifique comme hanches, cuisses, fesses et jambes malgré une activité physique intense et/ou un régime contrôlé. "Certaines patientes très motivées font des régimes drastiques et beaucoup d'activité physique, avec pour conséquence de voir les amas de graisses restants dans les régions atteintes encore plus disgracieux en comparaison au tronc, aux seins et aux bras qui deviennent parfois fort maigres."
Quelles sont les causes du lipoedème ?
Elles ne sont pas clairement établies mais semblent multifactorielles. "Il y a une implication hormonale mais aussi du collagène et des dispositions familiales donc génétiques, note le chercheur. Nous cherchons à collecter un maximum d'informations et observer les phénomènes pour un jour peut-être comprendre les causes." Le collagène entoure les cellules de graisses, il ne semble pas jouer son rôle mécanique pleinement dans les cas de lipoedème.
Quels sont les traitements du lipoedème ?
Mal compris des scientifiques, le lipœdème est difficile à soigner. "Les armes existent mais sont encore trop faibles" témoignent les deux experts. Les possibilités thérapeutiques disponibles sont plus ou moins efficaces selon le stade d'évolution du lipœdème et les attentes de la patiente.
Un des meilleurs sports est l'aquagym.
L'opération est-elle efficace en cas de lipoedème ?
La chirurgie apparaît pour beaucoup de femmes atteintes de lipœdème comme la solution définitive. Mais "si la lipoaspiration (ou liposuccion) donne des résultats encourageants dans les premières années quand un traitement physique et une alimentation contrôlée sont associés, les amas graisseux finissent par revenir" observe le Dr Liesbeth Vandermeeren, chirurgienne plastique. Quant au by-pass gastrique (réduction de l'estomac) proposé par certains chirurgiens, "il est souvent décevant chez les patientes souffrant d'un lipœdème car la graisse disparaît de partout sauf aux endroits "maudits" ". Par ailleurs, la chirurgie n'est pas anodine. "Les canules de lipoaspiration bien que très évoluées ces dernières années peuvent léser plusieurs collecteurs lymphatiques à chaque intervention" poursuit la chirurgienne. Si la patiente à un terrain d'insuffisance lymphatique sous-jacent, un vrai lymphœdème secondaire peut faire place aux amas de graisses quelques années après la lipoaspiration. "Il est essentiel que les patientes fassent appel à des chirurgiens qui ont une très large expérience de ces situations cliniques à risque et que les interventions se centrent sur les hanches, les fesses, la partie externe des cuisses mais évitent autant que faire se peut la face interne des cuisses et les jambes où passe la majorité des grands collecteurs lymphatiques."
Quels sont les traitements naturels du lipoedème ? Sans chirurgie ?
► La "Jeansthérapie" : Etre bien serré dans un jean non élastique est une bonne chose quand on est atteinte de lipœdème, du moins au niveau des cuisses et des hanches : "Les femmes qui en souffrent ont un système lymphatique qui ne fonctionne pas très bien, la compression va créer des pressions alternées lors de la marche et favoriser la pénétration des fluides qui stagnent entre les amas graisseux dans le système lymphatique."
► Les bas de contention : Il faut porter des bas de contention de classe 2 ou 3 faits sur mesure pour chaque femme chez un médecin. "La compression associée à une lipoaspiration raisonnée reste le meilleur moyen de limiter l'évolution de ce syndrome et d'améliorer la situation."
► Des bandages de mousse : "Nous posons des bandages associant des mousses épaisses de 2 cm à des bandes à très courtes en élasticités pour créer un carcan semi-rigide autour du membre." La patiente est équipée de ces bandages pour réaliser de l'exercice physique sur des tapis roulants comme en salle de fitness.
► L'alimentation : Il est conseillé de limiter la consommation d'aliments pro-inflammatoires comme les sucres quand on souffre de lipœdème. Le sel doit aussi être réduit car "il semble impliqué dans ce syndrome" argue le Dr Belgrado.
► Le sport : "Ce n'est pas parce que le lipœdème est résistant à l'activité physique qu'il faut y trouver l'excuse pour ne pas en faire, lancent les deux spécialistes. Au contraire, l'activité physique prévient la prise de poids qui aggrave le lipoedème." Un des meilleurs sports est l'aquagym, surtout quand il est réalisé avec des combinaisons en néoprène (comme celles que l'on peut trouver au rayon natation des magasins de sport).
► Un suivi psychologique : Les femmes atteintes de lipœdème souffrent psychologiquement de ce syndrome qui déforme leur corps malgré tous les efforts qu'elles déploient pour tenter d'enrayer le phénomène. "Il est indispensable de les écouter, de les respecter et de ne pas les laisser seules. Il est important aussi qu'elle se fasse aider par des professionnels tels que les psychologues."
Merci au Dr Jean-Paul Belgrado et au Dr Liesbeth Vandermeeren de l'Unité de recherche en lymphologie de Bruxelles. Propos recueillis en 2019.